Dimanche 25 juin 2023
12e dimanche du Temps de l’Eglise
Quelle est la musique qui se fait entendre ?

En cette fin d’année scolaire nous sommes poussés hors-les-murs. La voie verte est noire de monde. Les voitures parfois aux marques luxueuses, à la queue-leu-leu, forment une drôle de procession ! La chaleur monte, les impatiences, font voler des mots qui ne sont pas en vacances ! Et l’église se remplit et se vide aux gré des moments curieux, des temps de célébration, des occasions de fête en baptêmes et en mariages !
L’été est là, en cette fin d’année scolaire qui nous « balance » quelques sujets qui donnent à penser, à l’occasion de l’épreuve de philosophie du bac ! Faut-il craindre les hommes comme s’interroge à son tour l’évangéliste Matthieu (10, 26-33) : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme.» Et la fête de la musique vient effacer ou amplifier nos interrogations elle a du mal à couvrir les pleurs des enfants massacrés et des peuples anéantis. « Ne craignez pas les hommes ? »  Vraiment ? 
Je pense à Victor Jara le chanteur à la guitare, prisonnier dans à un stade au Chili, lors du coup d'État fasciste du 11 septembre 1973 à Santiago. Tragiquement, sur le bord de la table on lui trancha les doigts qui ne joueront plus sur les cordes de la guitare… et son corps chancela ! Dans le stade rempli de prisonniers en fureur, son tortionnaire le piétina et cynique lui cria : « Victor Jara chante ! Tu es moins fier ! » Levant les deux mains vides de doigts, Jara se releva et il entonna l’hymne de l’unité populaire repris par les 6000 voix des prisonniers qui couvrirent le bruit des rafales de mitraillettes… 
Au cœur silencieux de cette maladie sournoise qu’est la peur nous sommes désemparés. Une peur ancestrale qui n’en n’est pas moins actuelle, la source des intégrismes qui s’insinuent partout, en nos sociétés et en nos Eglises, en dictature et en racisme banal ! Ah si la musique nous soignait de la peur ! Si elle nous guérissait de cette peur, maladie pernicieuse et mortelle de l'humanité, maladie de la relation tenue en échec. Ah si ‘musiquer’ consistait « en des accords qui se font en la discordance, par laquelle les voix dissemblables se correspondent, pour toutes ensemble faire une seule rencontre de proportion » (François de Sales TAD 1 CH VII) et si musiquer nous réunissait ici et là dedans et dehors, pour un sursaut de fraternité. 
« Ne craignez pas les hommes ! » 
Pourquoi craindre les hommes ? A cause de leurs démons que la peur réveille ? A cause de ce qu’ils menacent le souffle de vie ? Oui surement, mais pas que... Ne craignez pas, car les hommes finissent tôt ou tard, par laisser voir au grand jour ce qu’ils ont de plus profond en eux, qu’ils soient croyants ou non : une identité unique et inaliénable fondée et nourrie par une quête de bonheur et d’amour ! 
C’est ce « tôt ou tard » qui nous agite. Nous voudrions tellement que ce soit maintenant et tout de suite ! Mais le chemin du bonheur est long et semé d’embûches. Il semble bien que si « tu ne marches que les jours de soleil, tu n’arriveras jamais à destination. » Il se pourrait bien aussi que ce bonheur ne s’acquière pas par l’effort et la volonté entrainée. Il est là, tout proche de chacun dans la patiente ouverture et l’abandon de tant d’écrans qui parasitent et polluent la perception ! « Le chemin du bonheur est long par les préceptes; on l'abrège par l'exercice des œuvres journalières. »  (Lettres de Cratès de Thèbes, philosophe cynique - 365/285 av. J.-C)  F Thierry Mollard osfs