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Cyclone Mayotte

La Croix

Bienvenu Kasongo, curé de Mayotte :

« Nous sommes tombés mais nous devons nous relever »

Entretien 

Le père Bienvenu Kasongo est le curé de l’unique paroisse de Mayotte, qui compte deux clochers. Quelques jours après le passage du cyclone Chido, les habitants se mobilisent pour commencer à reconstruire l’île ravagée.

Recueilli par Youna Rivallain, 
le 17/12/2024 à 17:32

 

Le cyclone Chido a ravagé l’île de Mayotte, le 14 décembre 2024.

 

La Croix : Comment allez-vous ?

Père Bienvenu Kasongo : Pour ma part, je vais bien après ce moment difficile. Lors du passage du cyclone, j’ai dû me réfugier dans la cave du presbytère. Les deux gros arbres du préau sont tombés, l’internat des orphelins Apprentis d’Auteuil à côté a été touché, de même que le siège du Secours catholique, qui a été inondé. L’église, en revanche, est intacte, mise à part la porte d’entrée.

L’hôtel d’à côté a remis le courant, ce qui me permet d’aller charger mon téléphone, qui est mon outil de communication avec les évêques, mais aussi avec le nonce apostolique, qui a demandé de nos nouvelles.

Ce qui pose problème aujourd’hui, c’est la communication : certaines parties de l’île sont complètement coupées du reste, comme le sud de Mayotte qui n’a pas de réseau. Les routes sont encombrées d’arbres et de tôles, nous essayons de les dégager comme nous le pouvons… mais cela fait que je n’ai pas de nouvelles de beaucoup de mes paroissiens.

Je verrai dimanche qui sera à la messe. Ce sera un moment fort pour notre paroisse, qui compte entre 400 et 450 personnes. Un temps de retrouvailles, chacun expliquera ce qu’il a vécu. Car quelques jours après le cyclone, l’île est un lieu de désolation et les esprits sont très marqués.

 

Comment avez-vous été préparés au passage du cyclone ?

B. K. : Les autorités nous avaient prévenus que le cyclone allait arriver, mais à Mayotte nous avons toujours vu les cyclones passer près de nous pour se diriger plutôt vers Madagascar. Chido, qui en mahorais signifie « miroir », est un cyclone différent, inédit et dévastateur : il était directement centré sur Mayotte et n’a pas changé de trajectoire.

Les arbres sont tombés les uns après les autres, ont ravagé les toitures… Les dégâts sont considérables. Ce qui domine aujourd’hui sur l’île, c’est le sentiment de tristesse : certains ont perdu tout ce qu’ils avaient, ils se sentent livrés à eux-mêmes. Tous les Mahorais ont été touchés.

La question aujourd’hui concerne l’après-cyclone, les urgences : les besoins en eau, en nourriture, en électricité, l’accompagnement des personnes traumatisées, la recherche des dépouilles sous les décombres… Mayotte est comme en chantier. Nous sommes tombés par terre mais nous devons nous relever, nous accompagner les uns les autres pour reconstruire notre île dévastée. (Au téléphone, on entend des bruits de marteau, NDLR) Vous entendez cela ? Ils rattachent les tôles sur les toits. Mayotte vit désormais au rythme des coups de marteau !

 

Avez-vous des nouvelles de parties de Mayotte particulièrement vulnérables, comme le quartier des bidonvilles ?

B. K. : Étant donné que nous n’avons pas de réseau, nous avons du mal à avoir des échos venant de toute l’île. Nous sommes tous assez loin les uns des autres, et je n’ai pas d’information globale. Certains habitants du Sud, qui est coupé du monde, ont tenté de se rapprocher d’un endroit avec du réseau et ont réussi à m’appeler pour dire qu’ils étaient bien vivants. Les gens cherchent à avoir des nouvelles des membres de leur famille.

 

Quel est le rôle de l’Église locale dans ce contexte de crise à Mayotte ?

B. K. : Il s’agit déjà d’ouverture : nous avons aménagé l’église à Mamoudzou pour accueillir les policiers et gendarmes venus en renfort pour sécuriser et aider les populations locales (la gendarmerie a été endommagée par le cyclone, NDLR). Car un des risques de l’après-cyclone est celui de la délinquance, mais aussi des pillages dans les supermarchés et les maisons. Il faut mettre de l’ordre dès maintenant sinon, au manque d’eau et de nourriture, pourrait s’ajouter le risque d’émeute.

Le message de l’Église est aussi centré sur la solidarité. Face à une telle catastrophe, il n’y a plus ni riches ni pauvres, ni papiers ni sans-papiers, ni musulmans ni chrétiens. Nous avons tous été frappés par une même réalité, face à laquelle nous devons réagir en nous entraidant. Nous bannissons tout esprit de division.

Ici les gens viennent en aide les uns aux autres en se donnant des coups de main, en reconstruisant les toits notamment. Chacun essaie de prendre en compte la situation en incluant les autres : si nous agissons en individus séparés les uns des autres, nous ne parviendrons pas à faire face !

L’Église locale a aussi un message d’espérance à transmettre. Cette catastrophe naturelle a été d’une violence inouïe mais nous devons nous relever… et nous allons le faire ! Ce n’est pas la fin du monde. Ce cyclone nous apprendra beaucoup, notamment sur la manière dont sont construites les habitations à Mayotte. En reconstruisant, nous devrons tenir compte de certains paramètres que nous avions négligés, et ne pas tout rebâtir de façon anarchique.

 

 

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