Qui a peur de chanter les psaumes ?

Avec l'aimable autorisation de Philippe Robert, compositeur belge de musique liturgique, enseignant au Certificat de Musique liturgique à la faculté catholique de Paris, voici l'article "Qui a peur de chanter les psaumes?" publié par la revue FEU NOUVEAU (60/3) et accompagné des vidéos prédagogiques réalisées par Ph Robert et le chorale paroissiale de SaInt Martin en Marcinelle (Belgique).

Pour avoir les portées avec les tons, et le texte intégral : télécharger l'article ici.

Chanter ou cantiller ?

Couramment, nous parlons de « chanter » un psaume, mais il est préférable de dire« cantiller » un psaume. En effet, la psalmodie relève de la cantillation. Quelle dif-férence y a-t-il entre « chanter » et « cantiller » ? Dans le chant, la musique prend le pas sur le texte ; dans la cantillation, c’est l’in-verse. Ici, le texte est premier. Il s’agit d’abord de « dire » un texte avant de le chanter. Mais non pas simplement dire le texte, comme si on le parlait, mais le dire surune note que l’on appellera d’ailleurs « la corde de récitation ». Cantiller, c’est doncparler sur une note, chantonner, un peu comme si l’on récitait une comptine. Et cet acte vocal particulier demande que l’on ne donne pas trop de voix. Il y a un tonde la récitation à trouver ! La cantillation n’est pas propre à la psalmodie, elle estaussi utilisée pour le chant des oraisons, celui des lectures ou encore de la Pré-face.

1ere vidéo d'introduction : Exemple de cantillation “recto-tono”, Psaume 97, en alternance psalmiste et choeur

2eme vidéo : la corde de récitation

Exemple de cantillation avec repos à la fin de la phrase : Psaume 33.

3eme vidéo

Le verset et la flexe

Le psaume est un poème et la base de cette écriture poétique est le verset. Celui-ci se compose généralement de deux membres (deux stiques), parfois trois. Le verset va mettre la récitation en mouvement. Il va créer le rythme du poème basé sur le balancement, le flux et le reflux.

Je bénirai le Seigneur en tout temps,

sa louange sans cesse à mes lèvres.

(Ps. 33, verset à deux membres)

Acclamez le Seigneur, terre entière,

servez le Seigneur dans l’allégresse,

venez à lui avec des chants de joie !

(Ps 99, verset à trois membres)

Notons que dans un ensemble de versets à deux membres (stiques), il arrive parfois qu’un des versets ait trois membres. On met alors après le premier membre une + (flexe) pour indiquer que ce verset est à trois membres.

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?+

Ce qu’il dit c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ;

qu’ils ne reviennent jamais à leur folie !

(Ps 84, verset avec flexe)

4e vidéo : Exemple de cantillation avec flexe (Psaume 84)

Le rythme de la psalmodie

Le rythme de la psalmodie sera basé sur une pulsation commune. Celle-ci va naître du regroupement de syllabes en « mots-mesures ». Chaque stique comporte unnombre généralement stable et aisément repérable d’unités de sens autour de quelques mots importants que le Père Gelineau appelle « mots-mesures » :

Je bénirai / le Seigneur / en tout temps,

sa louange / sans cesse / à mes lèvres.(Ps 33)

C’est cette pulsation ressentie par l’ensemble du groupe qui permettra aussi d’avoir un silence, une pause mesurée à la fin de chaque stique. On obtient ainsi une série de levés et de posés, qui créent le mouvement, le « rythme » de la cantillation. Exemple : voir exemple ci-dessus le Psaume 33 cantillé recto tono avec alternance par verset. (Vidéo 3)

Un ton simple par verset

Puisque le verset se compose de deux membres, parfois trois, nous aurons deux ou trois cordes de récitation : une pour chaque membre dont se compose le verset. Ainsi, chaque membre se compose d’une note de récitation, la ronde avec stries latérales dont nous avons parlé ci-dessus, et d’une noire caudée pour poser la dernière syllabe non muette de la phrase.

Nous pouvons donc déjà maintenant cantiller tout un psaume de cette manière, soit en pratiquant une alternance entre un soliste et l’assemblée, soit en partageant celle-ci en deux groupes qui, alternativement, se répondent.

Exemple de cantillation (vidéo 4) : Psaume 99

5e vidéo Exemple de cantillation : Psaume 62

6e vidéo : Exemple de cantillation : Psaume 22

Un ton avec un appui intermédiaire

Des tons par versets présentent un appui intermédiaire. Cet appui se situe à la fin de l’avant-dernier « mot-mesure ». Dans le psautier, cet appui est indiqué par un soulignement de la syllabe où il se place :

Jusqu’au cieux / ta splendeur / est chantée

par la bouche / des enfants / des tout-petits (Ps 8)

Chaque membre d’un ton par verset avec appui est composé d’une ronde entre deux stries, d’une ronde, où se place l’appui et d’une noire caudée finale. Exemple de cantillation (vidéo 7) : Psaume8

7e video : Exemple de cantillation : Psaume 8

Ce ton a déjà un caractère légèrement plus mélodique que le ton sans appui. Tous les tons qui sont proposés par le CNA (Chnats Notés de l'Assemblée) et Chrétiens en prière ont cette structure.(Voir les tons du CNA à la fin du doc PDF initial)

Cette structure de base peut parfois présenter des variantes mélodiques. La noire caudée finale peut être précédée d’une, voire plusieurs noires non caudées. Cela donne une certaine légèreté au ton. Pour rester dans une pratique simple, on n’utilisera qu’une seule noire non caudée. Elle se placera sur la syllabe qui précède le posé final du stique (membre).

8e vidéo : Exemple d’un ton simple avec une noire non caudée : Psaume 66

Un ton simple par strophe

Certains psaumes présentent une forme strophique régulière de quatre membres (stiques). Par exemple, le psaume 33. Dans ce cas, on peut prendre un ton à quatre membres. Chacun de ceux-ci aura une structure comme celles décrites ci-dessus.La psalmodie par strophe alternée est un peu plus difficile que celle par verset, caril faut ici mémoriser les quatre parties du ton ! Donc, dans un premier temps, si la communauté n’est pas encore très habituée à la psalmodie “chorale”, on privilégiera les tons par verset.

9e vidéo Exemple d’une psalmodie strophique : Psaume 90